Les traditions du Nouvel An en Louisiane

Pour plusieurs générations, des familles louisianaises ont pratiqué des traditions d’origines diverses. Mais asteur, elles commencent à s’estomper.

Kathy Bradshaw, Correspondante - Nouvelle-Orléans, Louisiane

Le Réveillon du Nouvel An est une expérience différente pour chaque famille et ses traditions continuent de se transformer et d'évoluer. Mais malgré les nombreuses coutumes variées du Nouvel An à travers la Louisiane, une chose reste constante : beaucoup de pratiques sont après disparaitre. Ils s'estompent rapidement, et même dans les communautés où ces traditions étaient autrefois répandues, beaucoup de gens n'en ont même plus entendu parler. Et ceux qui connaissent toujours de telles coutumes sont obligés de se battre pour les maintenir en vie pour qu’ils puissent les partager avec leurs propres enfants.

Il y a longtemps en Louisiane, après que des visions de dragées avaient dansées dans les têtes des enfants chaque année, après que des biscuits ont été laissés de côté pour le Père Noël, et même après qu’il avait vérifié sa liste deux fois et livré des jouets en conséquence, le plaisir ne s'est pas nécessairement terminé simplement parce que le jour de Noël était fini. D'autres personnages célèbres des fêtes, tels que Madame Grands Doigts, La Christine, Santa Croupée et Le Petit Bonhomme Janvier, rendaient visite aux enfants le soir du Nouvel An.

Madame Grands Doigts est surtout connue pour son trait distinctif homonyme. Pour les bons enfants, elle laissait des fruits, des bonbons, des bibelots ou des pièces de monnaie, soit dans leurs bas de Noël, soit dans leurs chaussures, qui ont été laissés de côté en attendant son arrivée.

On ne savait jamais ce qui allait leur arriver — peut-être qu’ils allaient se faire manger, peut-être qu’ils deviendraient la nourriture pour quelque chose. On ne savait jamais. C’était juste cette mystérieuse grande, grande peur.

« La raison pour laquelle elle avait de si longs doigts était pour qu’elle puisse fourrer des choses jusqu'au fond de nos bas », a déclaré Amanda LaFleur Giambrone, ancienne coordonnatrice des études cadiennes à l’Université d’État de la Louisiane.

Mais malheur aux enfants qui se sont mal conduits. Madame Grands Doigts utilisait ses doigts osseux pour les pincer les orteils (parfois en les arrachant complètement pour les porter comme un collier d’orteils autour de son cou), les attraper par la peau du cou ou les fourrer dans son sac. Elle aurait même mangé certains mauvais enfants.

« Elle marchait le long de la route avec un gros sac sur le dos, et elle capturait les petits qui avaient tendance à être méchants », a déclaré Winnie « Joyce » Darbonne de Mandeville, se rappelant des histoires de Madame Grands Doigts de son enfance. « On ne savait jamais ce qui allait leur arriver — peut-être qu’ils allaient se faire manger, peut-être qu’ils deviendraient la nourriture pour quelque chose. On ne savait jamais. C'était juste cette mystérieuse grande, grande peur. »

Il est intéressant de noter que cette coutume de rembourrage de sacs a probablement des origines historiques. Jim Bradshaw, dans son article « La Christianne and Santa » dans le journal « The Eunice News », écrit: « Les familles d'origine allemande vivant à Roberts Cove dans la paroisse d'Acadie célèbrent toujours la Saint-Nicolas, se réunissant dans les maisons pour attendre Kris Kringle et son acolyte, Black Peter, qui était craint parce qu'il aurait mis de mauvais enfants dans son sac. »

Tout comme l'idée du Père Noël qui garde un œil vigilant sur tous les enfants et qui les voit lorsqu'ils dorment et quand ils se réveillent, la peur persistante de Madame Grands Doigts rend les enfants du sud de la Louisiane obéissants pendant toute l'année — au Nouvel An et au-delà.

« La phrase était généralement :« Tu ferais mieux d’être sage, ou je vais demander à Madame Grands Doigts de venir te chercher », Darbonne a déclaré. « Nous vivions donc avec la peur du Boogie Man sous le lit ou de Madame Grands Doigts qui marchait sur la route. Et cela faisait juste partie de la vie quotidienne. »

Cependant, le niveau de générosité ou de cruauté présumée de Madame Grands Doigts varie en fonction de la personne à qui vous demandez, de la région de la Louisiane dans laquelle vous vivez et des traditions de votre propre famille.

« Madame Grands Doigts pour beaucoup de gens est une sorte de personne effrayante, au style d’une sorcière d’Halloween », LaFleur a déclaré. « Mais [dans ma famille], c'était une bonne personne. Elle mettait des trucs dans nos bas de Noël. Donc, pour moi, elle était comme Glenda la bonne sorcière de l'Est dans Le Magicien d'Oz. »

Différentes traditions

Les histoires de Madame Grands Doigts existent sous de nombreuses variantes, et elle est souvent remplacée par des personnages similaires qui remplissent essentiellement le même rôle. Bien que ces légendes soient profondément enracinées dans la culture louisianaise, elles sont toujours laissées à l'interprétation et à l'adaptation. Et au fur et à mesure que les gens ajoutent leur propre traduction ou déforment même des traditions établies de longue date au fil des ans, ces coutumes finissent par être constamment modifiées de génération en génération, de région en région, et même de famille en famille.

Par conséquent, dans certaines communautés, ce n’est pas Madame Grands Doigts qui vient visiter le Réveillon du Nouvel An, mais une personne connue sous le nom de La Christine. Elle laisse également de petits cadeaux, des bibelots et des bonbons, mais sans l'aspect menaçant de Madame Grands Doigts et son sac rempli d'enfants vilains.

« La Christine était celle qui apportait des cadeaux du Nouvel An », a déclaré le folkloriste louisianais Barry Ancelet. « Historiquement, ces cadeaux étaient typiquement de nature pratique, comme des aliments faits maison ou cultivés sur place, ainsi que des boissons, des outils et des vêtements, plutôt que des jouets. »

Il est largement reconnu que La Christine provient d'une coutume allemande qui a été transmise aux Louisianais par les colons allemands en Louisiane—une altération du mot allemand Christkind, qui signifie « enfant Christ ».

Traditionnellement, Christkind était celui qui apportait des cadeaux aux enfants allemands la veille de Noël, un précurseur du Père Noël américanisé des temps modernes et probablement aussi d'où vient notre terme « Kris Kringle ». En fait, alors que le Père Noël devenait plus courant avec le temps, La Christine, dont le nom implique une figure féminine, a commencé à assumer le personnage de Mme Claus et est souvent considérée toujours comme telle aujourd'hui. Cependant, pour certains, La Christine n'est pas une femme après tout, mais elle ressemble plus au Père Noël lui-même.

« Les gens disent : « Oh, ce n’est que le mot cadien pour le Père Noël », a déclaré LaFleur.

Parmi d’autres dans certaines parties de la Louisiane, le visiteur habituel du Nouvel An s'appelle Le Petit Bonhomme Janvier ou parfois Papa L’An. Comme tous les autres, il apporte des fruits, des noix, des bonbons, des petits cadeaux et même des feux d'artifice aux bons petits garçons et filles. Mais pour les mauvais enfants, la rumeur dit qu'il laisse « quelque chose de défavorable », comme des cendres ou du charbon, ou même qu’il reprend leurs cadeaux de Noël déjà livrés et les rend au Père Noël.

Dans certaines familles, comme celle de LaFleur, Papa L’An venait en visite accompagné de Madame Grands Doigts, et certaines légendes les représentent comme un couple marié.

« Ils arrivent ensemble dans ma famille », elle a déclaré. « Et Papa L’An—je l’imagine ressembler à Père du Temps, avec la longue barbe et toute l’affaire. Mais personne ne m'a jamais dit à quoi il ressemblait. Je devais trouver cette image moi-même. »

D'autres l'imaginent différemment : « Je le vois comme un petit homme avec un ricanement malicieux, une chemise à carreaux colorée et des chaussures à bouts en tire-bouchon », écrit l'auteur du billet de blog « T Minon Janvier - Une histoire française-cadienne du nouvel an ».

Et puis il y a Santa Croupeé (parfois Croupie) qui, tout en livrant ses petits cadeaux et bonbons aux bas et aux chaussures, a aussi une autre habitude un peu étrange. « Notre Croupie frappait à la porte fortement et bruyamment quand nous nous y attendions le moins», dit un commentateur sur le même billet de blog, décrivant la tradition que ses grands-parents de Bordelonville lui ont transmise. « En tant qu'enfants, cela nous faisait peur, mais nous avons toujours apprécié les petits cadeaux qu'il nous apportait. »

Il y a plus d’une raison pour laquelle ces traditions sont centrées sur le Réveillon du Nouvel An plutôt que sur Noël. D’abord, Noël dans les premières cultures de la Louisiane était plus une question de famille et de religion, tandis que l’échange de cadeaux était plutôt délégué au Nouvel An. Au fil du temps, cette vieille coutume a coïncidé avec la tradition américaine moderne de donner des cadeaux à Noël, de sorte que les enfants louisianais chanceux ont fini par recevoir des cadeaux aux deux occasions.

« Lorsque mes parents et mes grands-parents étaient jeunes, le jour de Noël était avant tout un événement religieux. Les cadeaux étaient plutôt associés au Réveillon ou au jour de l'an », Ancelet a déclaré. « Il y avait des vestiges de cette pratique quand j'étais jeune. Le jour du Nouvel Au, nous rendions visite à la sœur de mon père et à sa famille et nous avions une deuxième série de cadeaux de leur part, après avoir eu une première tournée comme la plupart des autres enfants le jour de Noël. »

Parce que les enfants auraient déjà reçu des cadeaux plus substantiels à Noël, le Réveillon du Nouvel An est devenu l’occasion pour des petits dons et extras—des cadeaux lagniappe. C'étaient des choses qui n'avaient jamais réussi à arriver sous le sapin, oubliées par les parents ou négligées par le Père Noël.

« Si on n’avait pas obtenu une petite chose qu’on avait demandée, c’était une chance de compenser tout ce qu’on n’aurait peut-être pas obtenu pour Noël », LaFleur a déclaré. C'était aussi l’opportunité pour les parents de profiter des soldes et des démarques après Noël, et cela a donné aux enfants quelque chose d'autre à espérer, pour aider à soulager la mélancolie d’après Noël.

D'autres traditions typiques de la Louisiane pour le Nouvel An incluent tirer des armes à feu à la place des feux d'artifice, la consommation des haricots à œil noir et du chou le jour de l'An et des visites aux maisons d'amis et de voisins pour leur souhaiter une bonne année. Il existe aussi une coutume appelée « Les Étrennes », importée de France, qui consiste à donner des pourboires.

« Ils donnent une enveloppe avec un peu d'argent à des travailleurs—votre facteur, votre laitier, des gens qui vous ont rendu service tout au long de l'année », LaFleur a déclaré.

Quelle que soit la façon dont vous choisissez de célébrer le Réveillon cette année—qu'il s'agisse de faire éclater des bouteilles de champagne et d'allumer des étincelles ou de mettre à côté vos chaussures pour l'arrivée de La Christine—pendant que vous attendez avec impatience une nouvelle année, prenez également le temps de regarder en arrière à la façon dont nous avons célébré autrefois en Louisiane, ce qui est une partie fondamentale de notre patrimoine culturel. Ces traditions méritent non seulement d'être rappelées, mais avancées dans notre présent et notre futur.