Partout en Louisiane, il y a des entreprises qui soutiennent une économie francophone et créolophone en offrant des emplois aux louisianais et en servant des touristes de France, du Canada et du monde entier.
Cet article est la troisième partie d’une série sur le français en Louisiane. La partie 1, qui explique les complexités de l’immersion française en Louisiane, est disponible icitte. La partie 2, qui explore comment les anciens élèves d’immersion créent un environnement français en Louisiane, est disponible icitte.
Par Jonathan Olivier
Une simple promenade dans le centre-ville de Lafayette en 2020 a convaincu Bryan Dupree et son mari James Colvin d’ouvrir une librairie locale. Le couple avait marché devant un groupe de touristes français qui cherchaient un endroit pour acheter une carte postale et prendre du vin, avec service en français.
À l’époque, il n’y avait pas de librairie locale à Lafayette. Dupree, qui a obtenu un diplôme en littérature française, voulait que ça change. Bien qu’il y avait quelques entreprises avec des francophones dans l’équipe, ce n’était pas toujours facile de trouver une entreprise bilingue. Donc Dupree, Colvin et leurs deux amis ont ouvert Beausoleil Books en octobre 2020 pour répondre à ces enjeux.
« L’idée était que les Français de l’étranger peuvent apprendre quelques aspects de la culture française en Louisiane et que les franco-louisianais peuvent apprendre l’étendue de la langue française à l’étranger, a déclaré Dupree. Donc, mon idée était d’avoir une section française qui mettrait en valeur les auteurs français de la Louisiane, ce qu’elle fait présentement. Et ensuite, je voulais mettre en valeur les talents nouveaux et émergents à travers la francophonie, ce qu’on fait. »
Dupree a créé cette section de livres en français, intitulée « Le coin francophone », qui promeut ce genre d’échange culturel à travers la littérature qui, selon lui, ouvre le monde aux divers groupes de francophones à Lafayette : locaux et étrangers.
À Beausoleil, il y a souvent une myriade d’événements en français comme des lectures de poésie et des présentations de livres par des auteurs francophones. L’équipe de Beausoleil est habituellement composée d’au moins un francophone qui travaille à la librairie ou au Whisper Room, un bar.
« Je pense qu’il est important d’offrir aux gens une occasion d’utiliser leur français de façon pratique, a déclaré Dupree. J’avais l’occasion d’utiliser le français dans mon travail lorsque j’étais guide touristique à la Plantation Laura. Et je voudrais donner cette chance à plus de gens. »
Créer une économie diversifiée
En 2021, l’équipe du Musée du Bâton-Rouge de l’Ouest à Port Allen a pris des mesures pour mettre l’accent sur le français et le créole louisianais en collaboration avec Télé-Louisiane. Angélique Bergeron, la directrice du musée qui parle français et créole, a noté qu’il y a des panneaux trilingues ou bilingues sur le terrain du musée. Les guides du musée, comme André St. Romain, offrent des tours en français. Le musée accueille également des événements en français, comme le Café Français qui a lieu une fois par mois.
« No té olé fé ènn plas éyou le moun sé vini pou parlé langaj-yé, pou sélébré langaj-yé é lakilti, é osit vini trapé in djòb ou fé kishòj dan langaj-yé, » elle a déclaré.
Bergeron a souligné que les entreprises qui offrent des services en français visent deux objectifs : répondre aux besoins du grand nombre de touristes francophones qui viennent en Louisiane chaque année, et offrir des possibilités aux francophones de la région. « Mon piti apé dan imèsyon françé dan prèmyé liv, Bergeron a déclaré. No gin boukou pou fé mé mo swat no va gin djòb-yé dan françé ékan li pli vyé. »
Bergeron a mentionné des efforts comme les programmes d’immersion française qui créent un bassin de francophones qui finiront par chercher du travail. Elle a noté que l’avantage d’embaucher des franco-louisianais au musée c’est que son personnel est capable de répondre aux touristes français ou franco-canadiens.
Selon le Département de la Culture, la récréation et le tourisme, en 2021, l’industrie du voyage et du tourisme était le cinquième employeur en importance de la Louisiane : des touristes de France et du Canada étant souvent en tête de cette liste. En raison des publicités touristiques en Louisiane qui ciblent des visiteurs francophones, ces touristes s’attendent souvent à recevoir des services en français, mais ils sont souvent déçus de leur absence, selon Lawson Ota, propriétaire de Tours by Marguerite à la Nouvelle-Orléans.
Lawson, qui offre des visites guidées en anglais, en français et en créole, préconise d’investir davantage dans l’institutionnalisation des langues patrimoniales de la Louisiane en embauchant des francophones ou des créolophones dans les restaurants, les hôtels, les hôpitaux et plus encore. Pour lui, ça ne fera qu’attirer plus de touristes pour développer une force économique déjà puissante. Mais, il a noté qu’il y aura besoin d’un travail acharné.
« Si on veut que cette industrie grandisse et que le français louisianais, le créole louisianais aient des avenirs, il faut que le gouvernement comprenne que ce n’est pas juste une opportunité de gagner de l’argent. Il faut travailler, il faut investir. »
Il y a des initiatives qui investissent dans le milieu des affaires francophone de la Louisiane. Télé-Louisiane, par exemple, a la possibilité d’embaucher des Louisianais à plein temps dans le journalisme et les médias grâce au soutien financier de la législature et du gouverneur. Il y a aussitte des programmes de formation professionnelle, comme une bourse nouvellement créée par le Conseil pour le développent du français en Louisiane (CODOFIL) pour un Louisianais qui suit un programme d’immersion en affaires à HEC Montréal, une école de commerce de l’Université de Montréal.
Le CODOFIL offre également des bourses aux jeunes professionnels pour participer au programme d’immersion à l’Université Sainte-Anne en Nouvelle-Écosse. L’Université de Louisiane à Lafayette envisage de proposer un certificat en français des affaires en coordination avec la Chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Île-de-France.
Le gouvernement de l’État ne déploie aucun effort plus large visant pour améliorer le secteur des affaires francophones de la Louisiane. Cela, malgré les lois adoptées au début de 2010, comme la Loi 679 et la Loi 106, qui ont spécifiquement chargé les agences de l’État de renforcer le secteur des affaires et du tourisme en Louisiane en ce qui concerne le français.
Pour Ken Douet, copropriétaire de la chambre d’hôtes de la Maison Stéphanie entre Arnaudville et Cécilia avec son mari Richard Howes, renforcer l’économie multilingue de la Louisiane commence avec des enfants inscrits en immersion. Douet a dit qu’ils travaillent pour aider Teche Elementary à Cécilia avec divers projets. À la fin de l’année, la Maison Stéphanie sera l’hôte d’un événement avec Brandon et Aurore Ballengée, une famille francophone voisine qui accueille l’Atelier de la Nature. Douet a noté que ces types de connexions sont cruciales pour montrer aux enfants que le français existe en dehors de la salle de classe.
« Je pense que pour eux, c'est une langue, il a déclaré. Ça fait pas encore une partie de leur culture. En sortant de la salle de classe et en étant dans la vie quotidienne, là t'as la chance de faire des expériences dans la langue et avec la musique, la cuisine, les jeux. Et là, ça devient une vraie partie de soi-même, pas juste dans la salle de classe. »
Douet a souligné que dans certaines communautés, il existe déjà de nombreuses entreprises qui emploient des francophones ou des créolophones, mais qui n’en font probablement pas la publicité. Par exemple, à Arnaudville, à seulement quelques milles de son entreprise, Douet a dit qu’il y a des francophones ou des créolophones dans pratiquement tous les établissements locaux : Myran’s Maison de Manger, Russell’s Food Center, Bayou Teche Brewery, NUNU Art and Culture Collective et The Little Big Cup. En faisant l’effort de souligner davantage ces gens et en embauchant plus d’entre eux-autres, Douet a dit que la communauté peut continuer à cultiver les langues patrimoniales de la Louisiane.
« Tu commences à parler et tu te rends compte qu'il y a encore beaucoup de gens qui parlent le français, il a déclaré. Mais si tu fais pas l'effort, tu connais pas qui c'est qui parle le français. »