La visite du président de France en décembre a mis en évidence l’importance de la langue française en Louisiane. Des dirigeants et des militants louisianais croient que c’est le moment d’en profiter pour sauver le français et créole.
Par Jonathan Olivier
Lors du discours du 2 décembre au Musée d’art en Ville, le président français Emmanuel Macron a souligné le lien linguistique de son pays avec la Louisiane.
« Ici, des femmes et des hommes aussi ont considéré que choisir une langue c’était continuer d’être fidèle à des valeurs, à un combat, à leur histoire, à une identité, il a déclaré au groupe de francophones et de créolophones louisianais, ajoutant plus tard, On va continuer de défendre cette langue qui a été ici défendue et choisie. »
La Nouvelle-Orléans demeure l’un des plus importants symboles du lien historique de la France avec les États-Unis. Macron a choisi la Ville pour annoncer la création d’un fonds afin d’élargir les programmes de langue française partout au pays, appelé « French for All ». Son voyage dans l’État du Bayou a été le premier d’un président français en près de 50 ans, qui a également coïncidé avec une visite à Washington D.C. où il a eu la chance de discuter avec le président Joe Biden.
« French for All » vise « à rendre le bilinguisme accessible à un public plus large et plus diversifié, en donnant à la prochaine génération d’apprenants les outils dont ils ont besoin pour réussir dans un monde globalisé », selon un communiqué de presse du « American Cultural Exchange in the Education and the Arts Foundation ».
Mais comme la Louisiane est déjà très investie dans l’éducation française, l’État n’est pas nécessairement ciblé par cette initiative, selon Audoin de Vergnette, attaché de presse du consulat général de France à la Nouvelle-Orléans. Certains dirigeants louisianais aimeraient plutôt tirer parti de l’élan généré par la visite de Macron.
Le représentant Mike Huval, R-Pont Breaux, utilisera la visite de Macron afin de démontrer l’importance du français en Louisiane à ses collègues dans la législature. « Çé akoz la lang françé ke le préziden a vini vizité avèk nouzòt, a déclaré Huval, qui a parlé brièvement avec Macron. Kom ça no pe war çé tre importan. »
L’an dernier, Huval a joué un rôle déterminant dans l’établissement du plus important budget de l’histoire de l’État consacré à la langue française en travaillant avec le président pro tempore de la Chambre des députés, Tanner Magee, R-Houma, et le président du Sénat Page Cortez, R-Lafayette. Au cours de la session législative de cette année, qui commence le 10 avril, Huval travaillera avec Cortez et Magee, ainsi que le sénateur Jeremy Stine, R-Lac Charles, le représentant Joseph Orgeron, R-Golden Meadow et la représentante Beryl Amédée, R-Houma, pour obtenir plus de financement pour le français. Huval a exprimé qu’il croit que l’élan de la visite de Macron fonctionnera en leur faveur.
« Le feu çé la é çé le tem pou mèt lafær dan le feu », a déclaré Huval, qui termine son service en tant que représentant de l’État cette année à cause des limites de mandat.
Parmi les initiatives qui pourraient être de bons candidats pour recevoir des fonds gouvernementaux est le centre d’immersion linguistique et culturelle Saint-Luc, une organisation sans but lucratif située à Arnaudville. Les responsables de Saint-Luc travaillent actuellement à terminer les rénovations de la bâtisse qu’ils ont acheté en 2019 pour 184 000 $. D’autres propositions francophones sont notamment le maintien du partenariat de Télé-Louisiane avec Louisiana Public Broadcasting, l’expansion de la signalisation bilingue, et l'augmentation du financement des programmes d’immersion à travers une modification du « Minimum Foundation Program » de l’État.
En 2022, l’État a créé un nouveau précédent pour le financement de ce genre de projets lorsque la législature a adopté HB261 qui a été écrit par Magee. Le projet de loi a créé l’École Pointe-au-Chien, le premier programme d’immersion française dans la paroisse de Terrebonne et la première école amérindienne de l’État. Signé par le gouverneur John Bel Edwards en juin, l’investissement de 3 millions démontre que le statut du français dans l’État est en croissance, selon Christine Verdin, qui dirige la création de l’école à la Pointe-aux-Chênes.
Pour Verdin, la visite de Macron est un signe que l’investissement dans son projet était bien justifié ainsi que le financement de projets similaires devrait être sur la table cette année. « Macron est venu ici parce que moi, je crois que le monde dans Louisiane est important à lui pour ramener back le français ici », a déclaré Verdin, membre du conseil de la Tribu Pointe-au-Chien.
Financement des programmes d’immersion
Les programmes d’immersion française en Louisiane profitent déjà de l’aide de la France. Les fonctionnaires français coordonnent avec le Conseil pour le développement du français en Louisiane (le CODOFIL) pour sélectionner les enseignants qui viennent à l’État afin de participer dans les programmes d’immersion. Ces enseignants sont autorisés à rester plusieurs années avec un visa spécial. Actuellement, il y a environ 5 500 étudiants inscrits à travers 32 programmes. Certains de ces programmes, comme l’école publique à charte Lycée Français de la Nouvelle-Orléans, suivent le programme d’études de la Louisiane et une version française en coordination avec l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.
L’immersion française a été chargée de maintenir et d’augmenter la population de francophones en Louisiane. Pour cette raison, Jourdan Thibodeaux, un musicien qui a brièvement rencontré Macron, a suggéré qu’il faut faire plus pour soutenir les programmes d’immersion.
Thibodeaux, qui a une fille inscrite à l’École Primaire Cécilia, a souligné que c’est la seule école de la paroisse avec un programme d’immersion française. Il y a près de 7 400 élèves inscrits dans les écoles publiques de la paroisse Saint-Martin. « Tous les enfants dans la paroisse Saint-Martin sont cadiens et créoles. So, pourquoi c'est seulement une école ? Parce qu'on a pas d'argent. So, pour moi, l’argent c'est le plus important. »
Puisque le financement des écoles de la Louisiane provient d’un mélange de fonds locaux, étatiques et fédéraux, Thibodeaux espère que la visite de Macron enverra un message à la législature de l’État. Si l’existence du français en Louisiane peut attirer le président de la France, Thibodeaux a estimé que renforcer la langue ici ne peut fonctionner qu’en faveur de la Louisiane. « Peut-être le gouvernement d'ici va être plus engagé avec notre monde, notre culture. »
La sensibilisation intergouvernementale entre la Louisiane et la France est ce qui a attiré Macron en Louisiane. En août, Edwards est allé en France et aux Pays-Bas pour visiter quelques ouvrages de défense contre les inondations. Il a également cherché des possibilités de développement économique pour la Louisiane. Lors de sa visite en décembre, Macron a assisté à la signature d’un accord d’entente entre Edwards et Catherine Colonna, ministre française de l’Europe et des Affaires étrangères. Cet accord établit un poste pour un expert français dans le domaine de la transition aux énergies renouvelables.
Après la visite d’Edwards, le consulat et l’ambassade de France ont coordonné avec des partenaires des gouvernements locaux pendant plusieurs mois pour faire de la visite de Macron une réalité.
Ces efforts en valaient la peine, selon Lawson Ota, fondateur de Tours by Marguerite à la Nouvelle-Orléans. Il a salué les efforts du maire de la Ville LaToya Cantrell qui a visité la France pendant quatre jours en juillet dernier. Elle a été critiquée pour avoir dépensé environ 4 500 $, dont un billet d’avion de première classe. Ota a déjà remarqué une hausse du nombre de touristes français qui, selon lui, ont été attirés en Louisiane par la couverture de la visite de Macron.
« Je pense que l'importance de sa visite, c'est de rappeler aux francophones du monde que la Louisiane existe, que la Louisiane a une importance dans la francophonie et qu'on est toujours francophone, Ota a déclaré. Ce n'est pas juste une anecdote du passé. Ça fait partie de notre réalité d'aujourd'hui ».
Pour Thibodeaux, ces types de relations démontrent le potentiel économique de la langue française en Louisiane. Alors qu’autrefois la langue n’était pas valorisée économiquement, aujourd’hui c’est un atout de parler plusieurs langues.
Selon Thibodeaux, l’immersion française n’est que la première étape d’augmenter la population francophone de la Louisiane. Ce qui s’en vient, ce sont des opportunités économiques qui permettent aux Louisianais d’utiliser le français dans leurs vies quotidiennes. « Si tu veux avoir des enfants qui parlent français dans le futur, t'as besoin d'opportunités pour eux-autres. Ils vont dire, je peux trouver plus d’opportunités que les autres qui parlent seulement une langue. »